2011 : Les TCSistes en Champagne-Ardenne !

Pour sa 13e édition, le festival de Non Labour et Semis Direct (NLSD) a installé ses stands au lycée agricole de Saint Pouange. Une structure de formation de 300 élèves de la classe de 4ème au BTS, dans le département de l’Aube, à quelques kilomètres de Troyes.

Après le LEGTA de Vendôme en 2009, le NLSD s’est une fois de plus tourné vers les futurs professionnels de l’agriculture et leurs formateurs. L’association du semis direct de la Coordination Rurale passe le message aux prochains artisans de nos productions agricoles. Les techniques culturales étant en constante évolution, les futurs agriculteurs doivent bénéficier des acquis et être associés à nos démarches prospectives.

De nombreux agriculteurs de la région Champagne Ardenne, réunis en groupes de travail sur l’agronomie et le sol sont des assidus du NLSD. La venue du festival sur leurs terres est un juste retour des choses.

2000 visiteurs de toutes régions et même de pays voisins ont franchi l’entrée de ce festival 2011 qui restera comme un des bons souvenirs de la manifestation. Le NLSD s’instaure comme la journée de référence nationale pour les TCSistes. C’est la journée d’échange des informations et des expériences, positives ou négatives, avant la rentrée et le démarrage des semis. De nombreux agriculteurs qui se côtoient très régulièrement par forum internet interposé, peuvent ainsi mettre une tête et un nom derrière un pseudo. C’est un plaisir de reconnaître les bannières des ACE ou des Agricools.

13 ans, ce n’est pas encore la majorité, mais le début de l’adolescence. Nous constatons bien, depuis les derniers festivals, que l’époque des tâtonnements est révolue. Le stade de maturité est en voie d’être atteint. Les recommandations techniques arrivent à un niveau de réussite confirmée. Les réflexions sur les méthodes culturales ont indéniablement progressé. Nous avons pu constater au cours de cette journée combien les agriculteurs étaient attentifs à ces évolutions. La majorité considère que ces résultats, obtenus avec de maigres moyens et indépendamment des circuits de la recherche conventionnelle, seront indispensables pour accompagner l’agriculture du XXIe siècle.

L’augmentation des intrants qui a été reprochée aux système culturaux simplifiés, avec la surconsommation de glyphosate, et éventuellement d’engrais (pour gérer des concurrences entre plantes), est inversée avec des solutions simples comme le rouleau Faca et l’obtention d’un sol qui procure à la plante un support de développement de meilleure qualité, lui assurant un meilleur état sanitaire.

2011 aura été un bon cru pour le NLSD : une formule en parfaite adéquation avec les préoccupations des agriculteurs afin de trouver des modèles qui répondront aux exigences économiques et réglementaires de demain, pour sécuriser l’avenir de notre profession.

23 constructeurs étaient présents à Saint Pouange pour présenter leurs dernières nouveautés d’outils destinés au NL et au SD.

Le déchaumage revient à l’ordre du jour. Il est même considéré comme essentiel dans l’itinéraire technique simplifié en permettant les faux semis, l’élimination mécanique des repousses et la conservation d’un bon niveau hydrique du sol.

Les DDI (déchaumeurs à disques indépendants) sont présents depuis plusieurs années, ils sont en train de devenir l’outil de référence du déchaumage. Les constructeurs leur donnent une certaine polyvalence. Équipés de trémie et de descentes, ils sont transformables en semoirs de couverts végétaux. Ils peuvent être utilisés comme outils de mulchage ou de reprise.

Le strip till : le nouvel outil qui séduit de plus en plus d’agriculteurs.

Littéralement traduit par «travail en bande», cette technique venue d’Amérique du Nord consiste à ne travailler la terre que sur une bande qui sera ensuite semée.

Chaque marque propose des appareils modulables suivant la structure du sol et le travail souhaité. Un élément est constitué à la base d’un disque ouvreur avec des roues de jauge, des chasses débris fixes ou flottants, d’une dent fissuratrice encadrée de disques buteurs et de rouleaux de rappui. Chacune de ces parties est adaptable à la qualité du sol : le choix des disques, des socs placés en bout de dent, des rouleaux ou des roues, se fera parmi un grand nombre de formes, en fonction du taux d’argile ou de cailloux. Le montage sur parallélogramme garantit une bonne régularité.

La largeur de la bande travaillée varie de 10 à 20 cm, avec une profondeur de 15 à 30 cm. L’écartement est réglable de 45 cm à 1 mètre.

Le strip till est utilisé pour le semis « monograine » donc pour le maïs, le colza, le tournesol et la betterave.

Le passage du strip till se pratique comme celui d’une charrue : en automne pour les sols argileux ou au printemps pour les sols limoneux.

Le travail est plus rapide et moins coûteux qu’en plein, on réalise une importante économie de carburant. Un avantage du strip till est d’empêcher le lessivage du sol et son érosion, car seules sont travaillées les bandes de terre entre lesquelles les résidus protégeront le sol du ruissellement des eaux.

Le strip till crée, avec les disques, une légère butte qui permet au sol de mieux capter les rayons du soleil et donc de se réchauffer plus rapidement, favorisant ainsi la levée des semences.

Enfin, il est souvent possible d’enfouir de l’engrais, liquide ou granulé, qui sera déposé dans la zone racinaire de la plante semée, donnant une excellente efficacité de cette fertilisation localisée.

Dans une première étape, les agriculteurs ont laissé la technique traditionnelle charrue-herse rotative pour se lancer dans les TCS. Les promoteurs du strip till présentent leur approche comme l’étape successive vers le semis direct pur.

Du côté des constructeurs, l’offre s’étoffe mois après mois avec l’arrivée de nouveaux matériels importés des Etats Unis et des fabrications françaises (Duro, Jammet ….).

Les Semoirs directs

De toute origine, Argentine, Brésil, Australie, Italie, France, etc, plusieurs appareils étaient exposés. Les démonstrations ont prouvé l’aptitude de ces outils dans un couvert végétal bien développé. Appareils à disques ou à dents, équipés de simple, double ou triple trémie, avec ou sans localisateur de fertilisant, de conception plus ou moins sophistiquée… Il y en a pour tous les goûts.

Originalité de ce 13ème NLSD : le Kelly mph (multi purpose harrow)

Cet outil, créé en Australie, sera prochainement importé en Europe par une société danoise. Saint Pouange était sa première sortie française.

En tirant des disques liés les uns aux autres comme une sorte de chaîne marine, cet outil réalise un déchaumage superficiel à grande vitesse. La profondeur du travail et la qualité du mélange terre – matière végétale sont variables suivant la taille et la forme des disques. Il peut être transformé en semoir de petites graines.

Dans l’Aube, la Chambre d’agriculture a créé un groupe de travail baptisé ExperTCS. Jeanne-Marie Labrosse, en est une animatrice. Elle est convaincue aujourd’hui, de l’intérêt des mélanges avec au minimum trois espèces, une plante « haute », une plante couvrante et une légumineuse. Elle estime que si le couvert produit au minimum 3 t MS/ha, on peut compter sur 10 à 25 kg N/ha apportés ». Les travaux du groupe s’orientent vers le colza associé à d’autres plantes (trèfles…) et la fertilisation localisée sur l’orge de printemps, le maïs et le tournesol.

Gérard Aubrion (Arvalis) a présenté la plate-forme expérimentale de Thibie, dans la Marne qui fête ses 20 années d’existence.

Entre 1991 et 2003, elle a servi à l’étude de la réduction des fuites de nitrates. De 2004 à 2008, la plate-forme s’est ensuite intéressée aux matières organiques et a commencé une comparaison labour et non labour (cover-crop), sur une rotation betterave/blé/orge de printemps avec couverts. Des problèmes de salissement sont survenus en 2009, mais c’était le risque de l’outil (cover crop) utilisé en TCS . Sur le plan rendement, les deux modalités étaient très proches.

A partir de 2008, une nouvelle expérimentation fut entamée avec le programme Phyt’Eau-Réf qui revient aux analyses d’eau en y ajoutant les reliquats de pesticides. Les résultats ne sont pas encore communiqués, mais cela ne saurait tarder.

Enfin, une dernière étude vient de débuter sur l’impact des légumineuses. Elle doit servir de référence à l’administration pour de futurs règlements.

Guillaume Soyeux du CETA Craie Marne Sud a présenté les travaux au sein de son groupement d’étude. L’objectif était de maintenir une productivité maximale dans des systèmes champenois en non labour. En assolement betterave et pomme de terre, la simplification du travail du sol a été abordée, mais impossible d’envisager un strict semis direct. Le CETA s’est investi dans les couverts végétaux. Les productions de biomasse restent inférieures à 3 t MS/ha, mais les couverts présentent un intérêt marqué pour les cultures suivantes. Seule la moutarde a été introduite. Parmi les projets, le CETA débute un programme de strip till en colza et betterave, avec une fertilisation localisée.

Un événement sur le non labour et le Semis Direct (SD) dans l’Aube ne pouvait pas s’organiser sans la présentation de la coopérative Nouricia qui nous a aussi aidés dans l’organisation de cette journée, et de son groupe de travail Nouriciagrosol.

Michel Denis est l’animateur de cette structure d’échanges d’expériences. 71 membres sont actuellement dans cette démarche, et la coopérative veut aller encore plus loin en incitant financièrement les agriculteurs. Christian Rousseau, le Président de Nouricia a présenté la structure qu’il souhaite développer en partenariat avec Agritel et BeCitizen. Son but : mettre en place un cahier des charges « agriculture durable » et valoriser ce label au niveau de l’agriculteur sur une base de 100 €/ha supplémentaire. 100 adhérents sont déjà engagés, pour une surface de 10 000 ha.

La démarche de Nouricia s’est inspirée en partie de la certification « Terre Vivante » au Québec, initiée par le groupe Action Semis Direct dont Jocelyn Michon, est l’ancien Président.

Jocelyn est venu parler, de sa propre démarche d’agriculture de conservation. Depuis 18 ans, il est un vrai pionnier du SD. Exploitant sur 240 ha, sa rotation est maïs/soja/blé de printemps sur 200 ha et maïs/soja sur le restant. Il n’est pas parti brusquement dans la technique mais a procédé à « une désintoxication lente du sol vis-à-vis du travail du sol. ». Entre le maïs et le soja, il implante en général un seigle d’automne, entre la légumineuse et le blé, un blé d’automne, puis avant le nouveau maïs, un couvert, souvent en mélange.

La labellisation « Terre Vivante » est le fruit d’un groupe d’agriculteurs, adhérents d’ASD et épaulé par Odette Ménard « madame ver de terre au Québec ». Pour l’acquérir, il faut répondre à certaines exigences comme être en SD depuis au moins 3 ans et avoir 40 % de couverture par les résidus après semis. Le maïs, le soja et les céréales sont ainsi valorisés financièrement, ainsi que certaines productions animales depuis 2009.

Ann Fischer travaille au Service National de la Conservation des ressources et du sol dans le Montana, au Nord Ouest des Etats-Unis. Son mari exploite leur ferme à quelques km de là, dans l’état voisin du Dakota. Les précipitations font particulièrement défaut dans cette partie des grandes plaines céréalières américaines. Dans le secteur couvert par Ann Ficher, seulement un quart des surfaces est en production de grandes cultures avec un fort historique de rotation blé et jachère sèche (toute la végétation est détruite). Les conséquences sont vite arrivées avec beaucoup d’érosion éolienne due au travail du sol sur sol nu. En 1995, il n’y avait qu’un seul agriculteur en semis direct mais en 2004, le SD a réellement commencé à se développer, finissant, ces deux dernières années, par devenir la norme dans le comté. Face aux problèmes de salissement, les rotations ont également évolué avec l’introduction de nouvelles cultures : pois, tournesol, lin, lentille et colza de printemps. Selon la recette « Dwayne Beck », présent au NLSD en 2008 à Bucquoy, les agriculteurs ont adopté la rotation 2/2 avec successivement 2 dicotylédones puis 2 graminées. Mais le fait le plus marquant est sans aucun doute l’introduction de l’élevage sur les exploitations céréalières, « avec encore plus de performance du système en ramenant plus de fertilité », souligne A. Fischer. On voit ainsi de plus en plus de bovins pâturer les couverts d’interculture : « les vaches pâturent, écrasent la végétation et de ce fait, la mettent parfaitement en contact avec le sol pour une meilleure dégradation », explique l’agronome américaine. Des couverts qui évoluent, suivant cette fois-ci la « mode » française, vers des mélanges type biomax.

Enfin, l’agronome anglais Steve Townsend est à l’origine des programmes de fertilisation présentés par Jim Bullock au dernier festival NLSD dans l’Orne. Pour Steve, il faut arrêter de raisonner comme on l’a toujours fait, à savoir selon la loi du minimum : « on fait une analyse de sol et on identifie ce qui manque ». « On n’intègre pas l’autre loi, celle du maximum, déclare le spécialiste, c’est-à-dire regarder, au contraire, ce qu’il y a en excès ». S. Townsend s’est inspiré d’un exemple concret pour expliquer sa manière de raisonner : « le pH de la parcelle est de 6,5 et l’analyse de sol montre des taux de P, K et Mg, respectivement de 16,6, 170 et 200 mg/l. L’agriculteur dit qu’elle présente une forte population adventice de vulpin, qu’il y a de la compaction et qu’il ne retire jamais de bons rendements. Les cultures, bien qu’avec des apports azotés, semblent toujours avoir « faim ». Déjà, le vulpin indique des conditions d’anaérobie, avec une matière organique qui n’est pas au bon endroit et de faibles taux de calcium. Attention à la valeur de pH. Celle-ci est une mesure de l’hydrogène, pas de calcium. Mg et K sont aussi capables de neutraliser l’hydrogène ! Dans ce cas précis, c’est la magnésie qui donne une lecture élevée du pH, pas le calcium. Il faut commencer par apporter de la chaux. » Le spécialiste a ensuite expliqué à son auditoire que les faibles rendements étaient, cette fois-ci, un indicateur d’une faible assimilation de la potasse. Il existe ainsi un fort antagonisme entre K et Mg. S’il y a trop de Mg, cela handicape l’assimilation de K. il faut avoir le double de K par rapport à Mg et la potasse doit être disponible au moment de l’élongation. »

La spécialiste poursuit en incriminant encore la magnésie qui est aussi responsable de la compaction du sol car celle-ci a un pouvoir « anti-structurant », contrairement au calcium. « D’où l’anaérobiose et donc le développement de vulpins », ajoute-t-il. Il est donc important d’avoir un bon équilibre entre Ca et Mg. Quand à l’impression de « faim des cultures », S. Townsend explique que cela provient encore de Mg et de sa relation avec l’azote : « n’oubliez pas que ce qui donne la couleur verte aux plantes, c’est la chlorophylle qui est constituée de 4 atomes de N et 1 atome de Mg qui donne sa couleur. Si on veut une bonne utilisation de l’azote, il faut obligatoirement de la magnésie ». Ainsi, sur cette parcelle, de la chaux a été appliquée pour améliorer la structure. La pression des vulpins a été atténuée et les herbicides ont mieux fonctionné. Avec un apport de 60 kg/ha de K20 et de la magnésie en foliaire, les rendements sont passés de 7 à 10 t/ha ! Les apports d’azote ont été diminués de 220 à 160 kg/ha.

S. Townsend est une mine de connaissance en matière de fertilisation. Nous vous recommandons de vous rapprocher de ses communications pour en savoir plus (voir revue TCS).

(Cette page a été rédigée avec l’aimable collaboration
de Cécile Waligora attentive auditrice de ces exposés)